Dans quel contexte a été créée la Maison des Adolescents du Rhône ?
Agathe KERGALL, directrice.
Lors de la conférence de la famille, en 2004, la défenseure des enfants a fait un état des lieux soulevant un déficit au niveau des prises en charge des adolescents. Un cahier des charges national a alors été élaboré pour la création de maisons départementales des adolescents. Sur le Rhône, une évaluation des ressources disponibles pour la prise en charge des ados, menée par la DDASS en 2006, a permis une adaptation de ce cahier des charges au niveau départemental.
Sur le Rhône, la Maison des Adolescents est un service géré par la Mutualité Française du Rhône, mais il s’agit bien d’un dispositif interinstitutionnel et départemental car les financements sont pluri institutionnels : Agence Régionale d’Hospitalisation Rhône-Alpes (ARH), Assurance Maladie, URCAM...
Nous avons ouvert en avril 2007 et nous avons reçu plus de 900 demandes différentes. Toutes ces personnes ont bénéficié au moins d’un entretien téléphonique ou physique, et la moitié bénéficie toujours d’un accompagnement chez nous.

Les MDA fonctionnent-elles toutes de la même façon sur les autres départements ?
Myriam CHEVRIER, éducatrice spécialisée.
Non, il existe de nombreuses disparités entre les différentes MDA. Cela peut se traduire en termes de financement, ou de fonctionnement : certaines MDA sont par exemple adossées à un centre hospitalier, comme en Isère. Certaines ont parfois des lits d’hospitalisation. A Marseille le dispositif est entièrement porté par le Conseil Général.

Par quel biais les jeunes arrivent-ils en consultation à la MDA du Rhône?
A.K : Plus de la moitié des demandes provient de l’entourage familial du jeune, principalement la maman, et un tiers provient des professionnels, en général du champ social ou scolaire.
Aujourd’hui peu de jeunes se présentent spontanément à la MDA, car il n’est pas facile de se présenter pour demander de l’aide. Au premier contact, le motif invoqué est souvent « j’ai un problème avec un jeune », d’ordre relationnel, familial, ou lié à des troubles de l’humeur (déprime, idées suicidaires...). » On constate que ce n’est pas seulement le jeune qui traverse cette période de l’adolescence, mais toute la famille.
Soit les adolescents viennent avec leurs parents, soit seuls. Dans certains cas les parents viennent seuls.

Quel type d’accompagnement proposez-vous?
A.K : Un entretien de premier accueil est proposé avec un binôme pluridisciplinaire de deux professionnels : éducateur, médiatrice sante, infirmière, etc. Ce rendez-vous permet de faire connaissance, de mieux circonscrire la demande et de proposer un deuxième entretien adapté.
Parfois ces entretiens suffisent à faire baisser l’inquiétude, et parfois il faut une deuxième rencontre avec un professionnel plus spécialisé (pédiatre, endocrinologue, psychologue, généraliste, médiatrice santé...) ou un accompagnement vers une institution ou un professionnel extérieur.
Il arrive aussi que certaines personnes nous demandent dès le premier rendez-vous un profil professionnel très précis, à nous de vérifier que c’est la bonne direction et de proposer un rendez-vous ciblé.
M.C : Après le premier entretien, une des possibilités consiste aussi à intégrer un groupe à médiation culturelle, car c’est parfois un moyen de s’exprimer autrement. Il y a trois types de groupes, réservés aux ados : contes, théâtre, expression corporelle. Ces groupes sont ouverts, sans engagement dans la durée, mais ne sont pas proposés à tous. Certains ados viennent au centre uniquement pour les activités groupales, souvent sur les conseils d’un professionnel comme un psychologue.
A. K : A cette pluridisciplinarité est associé un accompagnement pluri institutionnel afin de pouvoir mutualiser les réseaux et les savoir-faire. Tous les trois, par exemple, nous venons par exemple d’institutions différentes : clinique mutualiste de Lyon, CJB... nous sommes aussi adossés à des établissements mutualistes sanitaires pour faciliter des hospitalisations. Au total la MDA du Rhône représente 25 personnes, 14 métiers et 4 institutions. L’équipe se répartit en un pôle médical, un pôle psychologique et un pôle socio-educatif.

Comment définiriez-vous l’approche spécifique de la MDA du Rhône ?
A.K. : La notion d’articulation est fondamentale pour nous. Il faut en effet envisager la MDA comme un dispositif global : cela veut dire des portes d’entrée pluridisciplinaires mais aussi individuelles ou groupales. Ce sont autant de techniques qui s’articulent. On peut chez nous rencontrer plusieurs types de professionnels, et cela facilite la venue des ados.
Richard Durastante, psychologue clinicien
Cela permet peut-être une entrée plus facile. Quand les jeunes viennent pour un mal au ventre persistant ou des troubles du sommeil, on sait que derrière il y a autre chose, mais il est plus facile de franchir cette porte que celle d’un spécialiste tel qu’un psychologue ou un psychiatre.
A.K. : L’occasion de venir ici pour remplir un dossier de CMU peut aussi être une bonne porte d’entrée. Ce sont en effet souvent des prétextes, mais s’il serait réducteur de dire que tout débouche systématiquement sur une problématique, ce qui n’est pas le cas. Le but est de reconnaître la globalité, les problématiques multi facettes et les points d’appui multiples, la possibilité d’être entendu. Cette notion d’articulation est fondamentale pour nous.
Et cette idée d’articulation se décline aussi entre les institutions sur le département : on n’est pas là pour remplacer une autre institution qui a une mission précise, on est là pour s’inscrire en complémentarité, et c’est pour cela qu’on peut accueillir un jeune qui bénéficie déjà d’un accompagnement dans une autre structure.

Que faudrait-il développer en termes de réseau pour un meilleur accompagnement des adolescents ?
A.K : Il faudrait développer le réseau de ville, c’est-à-dire avec les généralistes et les psychologues libéraux, surtout vu le déficit annoncé de médecins spécialistes, ainsi qu’avec le tout réseau social, pour proposer des accompagnements en partenariat. L’opposition social/sanitaire est naturelle et spontanée, et il faut donc veiller quotidiennement à articuler les deux (par exemple le volet social/educatif avec les enjeux psychologiques.)
M.C : Pour le moment le réseau se construit petit à petit...mais il serait bon que dans les années à venir la MDA formalise les partenariats déjà amorcés.
R.D : Beaucoup de familles se retrouvent dans une grande solitude, dans une société parfois maltraitante, et l’utilité du réseau est aussi de reconnaître à plusieurs que quelqu’un ne va pas bien, et de faire exister cette personne. L’usager est très sensible cette préoccupation.
A.K. : Ce qui est intéressant c’est de reconnaître chacun dans son rôle, qu’il s’agisse d’une assistante sociale de MDR, d’une infirmière scolaire, d’un généraliste... l’idée est de renforcer chacun dans son rôle et de mutualiser nos compétences, et non pas de faire de la MDA un lieu unique d’interlocuteurs.

Pensez-vous disposer des moyens nécessaires pour assurer votre mission ?
AK : Entre la mission et la réalisation, il y a un écart. Les moyens dont nous disposons à ce jour ne nous permettent pas de fonctionner tel qu’on le souhaiterait : pour un accueil pluridisciplinaire et sans délai, par exemple, les effectifs sont insuffisants, et cela nous oblige souvent à des compromis (temps d’attente, accueil avec un seul professionnel).

Entretien réalisé par Anne Demotz - FRAES